Il l'aimait. Si belle qu'elle était à ses yeux, car il lui semblait qu'elle était ce qu'il ne lui était jamais arrivé de mieux dans sa vie. Tout le reste n'avait été que merde et misère.

Sa mère.

L'amour qu'il pouvait lui porter transcendait toute conception, dépassait toute espérance. Elle l'avait engendré lui, dans la misère et la merde, seule, elle, une putain de la rue, et ce fut l'unique véritable amour de sa vie.

Si bien qu'il étudia et travailla pour elle, afin de les faire vivre tous deux, rembourser la dette de sa génitrice. Le reste de la famille était dans un pays bien loin. En Angleterre il restait juste eux deux, et quelques vieux amis. Et bien qu'au début ce fut dur, le jeune fils fit de son mieux. Il voulait la sortir de ce merdier incommensurable, au moins elle.
Sa mère était une femme tzigane à la chevelure noire de jais longue, et aux nombreux tatouages, vilains d'ailleurs, de rue, car c'était aussi une roublarde, une marginale. Elle n'était pas si belle en réalité, mais merveilleuse à ses yeux. Si forte, et si fragile à la fois, souvent malade, diabète et autres soucis qu'elle ne soignait pas ou mal. Elle lui disait si souvent de ne pas s'inquiéter, les soucis craignent plus d'ennuis qu'ils n'apportent de joie.

Rapidement diagnostiqué surdoué à l'école car il s'y ennuyait trop, Alistair fut contraint d'arrêter ses études pourtant, car celles ci imposaient trop de frais et il y était trop turbulent, exclu a plusieurs reprises pour avoir agressé des élèves, des professeurs. Il se mît alors très tôt à travailler au noir, et à trainer avec sa bande de connards. Manouches, gitans pour la plupart.
Il toucha sa première arme vers 13 ans, manqua de se décrocher l'épaule en tirant, et eut finalement son premier fusil à l'âge de 16ans.
C'est alors que le garçon plongea dans l'illicite et les interdits. Et c'est à cette même époque, vers l'âge de 17 ans que sa seule raison de vivre mourut brutalement de complications dues à sa maladie. Puis vint la dépression. L'horreur. La rage. L'envie de tout quitter. Tout parut continuer dans le même sens par la suite.

Pourtant il se releva de cette boue. Il se releva de la mare boueuse et puante que fut toute la merde de cette période de sa vie où il perdit la raison.
Il parvint à se relever. À se sécher à l'air libre. Enfin ce fut ce qu'il cru, alors que la descente aux enfers ne venait que tout juste de commencer.

C'est comment l'enfer ? Ça pue. Comme un cadavre en décomposition. Comme un truc horrible, une charogne démontée pleine de vers grouillants. Mais parfois il faut plonger au cœur des choses pour mieux y survivre. Il pensait qu'il fallait plonger dans cette horreur, badigeonner dans la puanteur pour mieux s'en sortir. L'erreur c'est la faiblesse. Le pouvoir c'est la force. Il pensait que seuls ceux qui avaient l'habitude de se salir les mains, de plonger dans la merde noire de la rue, savaient ce que l'enfer était réellement, et ce que la vie représentait d'en bas.

Alistair n'avait plus peur de rien. Parfois il ne restait plus que les chiens galeux de la rue comme lui pour plonger dans la merde une nouvelle fois. Il n'y avait plus qu'un de ses plus vieil ami, Élis, qui l'appelait encore sous son prénom d'origine, Abel. Les autres le surnommaient tous 'Kid'.

Braquage à main armée. Proxénétisme. Trafic. Oui, vraiment l'enfer ça pue. Ça tâche à vie. Il ne pouvait plus se laver de tout cela, et il en avait perdu l'envie depuis longtemps. Mais l'enfer c'est la réalité.

Puis vint la prison. Des sales manges-merde qui l'insultaient, comme il les appelaient, le traitaient de bâtard, de sale gitan. Il s'est battu. Souvent. Trop souvent. Et s'est fait mettre pas mal de dérouillées surtout, mais il s'en est relevé toujours, et a apprit de ses erreurs.
A la fin, il a fini par être celui qui niquait les autres, il les empoisonna, se fit des contacts, ce qu'on pouvait appeler des amis, puis une nouvelle bande de connards. Un jour, il péta un plomb. Il assassina un garde, le creva en lui enfonçant une fourchette dans la carotide.

Pas malin diriez vous, mais il avait entendu parler d'une autre alternative : Underland. Il fallait qu'il parte d'ici. Ça, ou la mort, peu importe, il n'était pas difficile en fin de compte. Tout serait mieux que continuer comme ça.

Sa vie s'accéléra alors de nouveau, il se retrouva une nouvelle fois prit dans le siphon de la justice. Il ne connaissait même pas le nom de son avocat. Un enculé en costume de plus, nommé d'office pour lui car il n'avait pas l'argent pour le choisir lui même. Mais il s'en foutait de toute manière.

Lorsque vint le jugement, on retrouva alors son vrai nom, et son lourd casier judiciaire.

Alistair se souvenait encore des derniers mots doux que furent à ses oreilles ceux du Juge face à toute l'assemblée réunie :


« Jetez le dans l'Underland. »


Et il avait sourit de satisfaction.



Depuis, Alistair vit à Underland, ayant fini par s'y intégrer, ou presque. Mais bien qu'il possède encore des ennemis, il a réussi à se faire pas mal connaître et donc des liens. De l'extérieur il arrive encore à communiquer avec quelques anciens roublards qui arrivent à faire passer des choses entre les deux mondes.


Et ce qu'on pourrait alors retenir de lui ?